Comment on s'enrichissait à Rome

L'exemple de Crassus

[Patricien romain, né vers 115 av. J.-C. Lié successivement à Sylla, à Pompée et à César, il écrasa la révolte de Spartacus, participa au premier triumvirat, et périt en 53 av. J.-C. dans une expédition contre les Parthes.]


À la suite des grandes conquêtes, d'immenses fortunes se fondent sur l'exploitation en masse des esclaves, tandis que les petits propriétaires libres sont ruinés. L'exemple de Crassus, que décrit Plutarque, n'est certainement pas isolé :

« Il n'avait au plus que 300 talents [monnaie de compte valant approximativement 56000 francs-or (de 1914)] quand il entra dans le monde ; et, dans la suite pendant son administration, il consacra à Hercule la dîme de ses biens, donna un festin au peuple, et fit à chaque citoyen une distribution de blé pour 3 mois ; et, malgré ces grandes largesses, ayant voulu faire un état de tous ses biens avant de partir pour faire la guerre aux Parthes, il trouva que ses fonds montaient à la somme de 7.100 talents, et la plus grande partie de tout ce bien, s'il faut dire la vérité avec le déshonneur qu'elle entraîne, il l'avait acquise par le fer et par le feu, ayant tiré ses plus grands revenus des calamités publiques. Car lorsque Sylla, après s'être rendu maître de Rome vendait publiquement les biens de ceux qu'il avait fait périr, les regardant comme des dépouilles ennemies et un butin qui lui appartenait, et voulant que la plupart des citoyens, et les plus considérables, participassent à son crime, Crassus fut un des plus ardents à accepter de lui gracieusement, ou à acheter à vil prix, tout ce qui lui convenait.
D'autre part, comme il voyait que les fléaux les plus ordinaires à Rome étaient les incendies et les écroulements de maisons, à cause de la quantité infinie des bâtiments et de leur hauteur excessive, il acheta pour esclaves, des maçons, des charpentiers et des architectes, jusqu'à 500 ; et quand le feu était en quelque endroit, il se présentait pour acquérir non seulement les maisons qui brûlaient, mais encore les maisons contiguës que les maîtres abandonnaient pour peu de chose, à cause de la crainte et de l'incertitude de l'événement ; de sorte que, par ce moyen, il se trouva maître de la plus grande partie de Rome. Mais quoiqu'il eût un si grand nombre d'ouvriers, il ne fit bâtir jamais d'autre maison que celle où il demeurait, car il avait coutume de dire que ceux qui aiment à bâtir n'ont pas besoin d'ennemis pour se ruiner. Il possédait plusieurs mines d'argent, des terres d'un grand rapport avec beaucoup de laboureurs pour les faire valoir ; mais ces possessions n'étaient rien en comparaison de ce que lui rapportaient ses esclaves, tant ceux-ci étaient nombreux et tous remarquables par leurs talents : ils étaient lecteurs, écrivains, banquiers, gens d'affaires, maîtres d'hôtel ou cuisiniers. Non seulement il assistait à leurs séances d'instruction, mais il se donnait la peine de les former et de les enseigner lui-même ; persuadé que le devoir le plus important du maître est de bien dresser ses esclaves, comme les instruments vivants de l'administration domestique. En quoi, il avait grandement raison, s'il pensait réellement, comme il le disait quelquefois, qu'il fallait faire gouverner ses biens par ses esclaves, et ses esclaves par soi-même. »

 

Plutarque, Vie de Crassus. (Traduction Ricard et Delaroche)


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Dernière mise à jour : lundi 12 août 2013