« Le préfet de Rome Pedanius Secundus fut tué par un de ses
esclaves... Lorsque, d'après un ancien usage,
il fut question de conduire au supplice tous les esclaves qui
avaient habité sous le même toit [ils étaient au nombre de
400], la pitié du peuple, émue en faveur de tant
d'innocents, éclata par des rassemblements qui allèrent jusqu'à
la sédition. Dans le Sénat même, un
parti repoussait avec chaleur cette excessive sévérité,
tandis que la plupart ne voulaient aucun changement.
Parmi ces derniers, C. Cassius, quand son tour
d'opiner fut venu, prononça ce discours :
« ... Croyez-vous qu'un esclave ait conçu le dessein
d'assassiner son maître, sans qu'il lui soit échappé quelque
parole menaçante, sans qu'une seule indiscrétion ait
trahi sa pensée ? Je veux qu'il l'ait enveloppée de secret,
que personne ne l'ait vu aiguiser son poignard ; pourra-t-il
traverser les gardes de nuit, ouvrir la chambre, y porter la lumière,
consommer le meurtre à l'insu de tout le monde ? Mille
indices toujours précèdent le crime. Si nos esclaves le
révèlent, nous pourrons vivre seuls au milieu d'un grand nombre,
sûrs de notre vie parmi des gens inquiets pour la leur
; enfin, entourés d'assassins, si nous devons périr, ce ne sera pas sans
vengeance. Nos ancêtres redoutèrent toujours l'esprit de l'esclavage,
alors même que, né dans le champ ou sous le toit de son maître,
l'esclave apprenait à le chérir en recevant le jour. Mais depuis que
nous comptons les nôtres par nations, dont chacune a ses mœurs et ses
dieux, non, ce vil et confus assemblage ne sera jamais contenu
que par la crainte. Quelques innocents périront. Eh ! lorsqu'on
décime une armée qui a fui, le sort ne peut-il pas condamner même un
brave à expirer sous le bâton ? Tout grand exemple
est mêlé d'injustice, et le mal de quelques-uns est racheté par
l'avantage de tous. »
À cet avis de Cassius, que personne n'osa
combattre individuellement, cent voix confuses
répondaient en plaignant le nombre, l'âge, le sexe de ces
malheureux, et, pour la plupart, leur incontestable
innocence. Le parti qui voulait le supplice prévalut cependant.
Mais la multitude attroupée, et qui s'armait déjà de pierres et de
torches, arrêtait l'exécution. L'empereur réprimanda le peuple
par un édit et borda de troupes tout le chemin
par où les condamnés furent conduits à la mort. »
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