Exécution de 400 esclaves après le meurtre de leur maître (En 61 de notre ère, sous le règne de Néron.)


La société esclavagiste maintenue par un système de terreur judiciaire


« Le préfet de Rome Pedanius Secundus fut tué par un de ses esclaves... Lorsque, d'après un ancien usage, il fut question de conduire au supplice tous les esclaves qui avaient habité sous le même toit [ils étaient au nombre de 400], la pitié du peuple, émue en faveur de tant d'innocents, éclata par des rassemblements qui allèrent jusqu'à la sédition. Dans le Sénat même, un parti repoussait avec chaleur cette excessive sévérité, tandis que la plupart ne voulaient aucun changement. Parmi ces derniers, C. Cassius, quand son tour d'opiner fut venu, prononça ce discours :
« ... Croyez-vous qu'un esclave ait conçu le dessein d'assassiner son maître, sans qu'il lui soit échappé quelque parole menaçante, sans qu'une seule indiscrétion ait trahi sa pensée ? Je veux qu'il l'ait enveloppée de secret, que personne ne l'ait vu aiguiser son poignard ; pourra-t-il traverser les gardes de nuit, ouvrir la chambre, y porter la lumière, consommer le meurtre à l'insu de tout le monde ? Mille indices toujours précèdent le crime. Si nos esclaves le révèlent, nous pourrons vivre seuls au milieu d'un grand nombre, sûrs de notre vie parmi des gens inquiets pour la leur ; enfin, entourés d'assassins, si nous devons périr, ce ne sera pas sans vengeance. Nos ancêtres redoutèrent toujours l'esprit de l'esclavage, alors même que, né dans le champ ou sous le toit de son maître, l'esclave apprenait à le chérir en recevant le jour. Mais depuis que nous comptons les nôtres par nations, dont chacune a ses mœurs et ses dieux, non, ce vil et confus assemblage ne sera jamais contenu que par la crainte. Quelques innocents périront. Eh ! lorsqu'on décime une armée qui a fui, le sort ne peut-il pas condamner même un brave à expirer sous le bâton ? Tout grand exemple est mêlé d'injustice, et le mal de quelques-uns est racheté par l'avantage de tous. »
À cet avis de Cassius, que personne n'osa combattre individuellement, cent voix confuses répondaient en plaignant le nombre, l'âge, le sexe de ces malheureux, et, pour la plupart, leur incontestable innocence. Le parti qui voulait le supplice prévalut cependant. Mais la multitude attroupée, et qui s'armait déjà de pierres et de torches, arrêtait l'exécution. L'empereur réprimanda le peuple par un édit et borda de troupes tout le chemin par où les condamnés furent conduits à la mort. »

 

Tacite, Annales, XIV, 42-45. (Traduction Burnouf)


Révoltes et Révolutions dans l'Histoire de l'Humanité
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Dernière mise à jour : lundi 12 août 2013