Patriciens et plébéiens devant une sédition d'esclaves (Ve s. av. J.-C.)


« Des exilés et des esclaves, au nombre de 2.500 hommes, sous le commandement d'un Sabin, Appius Herdonius, occupèrent la nuit, le Capitole et la citadelle. Là, ils exécutèrent sommairement les hommes qui ne voulurent pas entrer dans leur complot et prendre les armes ; à la faveur du tumulte, quelques-uns, auxquels la frayeur donnait des ailes, dévalèrent jusqu'au forum ; on entendait tour à tour ces deux cris :« Aux armes ! » et « L'ennemi est dans la ville ».

Les consuls n'osaient ni armer la plèbe, ni la laisser désarmée, ne sachant quel fléau soudain s'abattait sur la ville, s'il venait du dehors ou du dedans, de la haine de la plèbe ou de la perfidie des esclaves...

Enfin, le jour dévoila l'ennemi et son chef. Il s'agissait des esclaves ; Appius Herdonius les appelait à la liberté, du haut du Capitole : « Il avait pris en main la cause de tous les misérables ; son but ? rendre leur patrie aux exilés injustement bannis ; enlever aux esclaves leur joug accablant. Il voulait bien laisser le peuple romain s'en charger. Mais si, de ce côté, il n'y avait pas d'espoir, Volsques, Éques [peuples du Latium établis autour de Préneste], tout lui serait bon à mettre en jeu et à soulever. »
Tout devenait plus clair pour les sénateurs et les consuls... Que de craintes de toute nature ! Au premier rang, la crainte des esclaves : chacun redoutait d'avoir un ennemi chez lui. Se fier à lui ? Ou s'en méfier et lui retirer sa confiance au risque de l'irriter davantage ? Les deux partis étaient aussi peu sûrs. À grand-peine l'union [des patriciens et des plébéiens] permettrait peut-être de résister.
... Les tribuns [il s'agit des tribuns militaires, le tribunat de la plèbe n'étant pas encore institué] prétendaient que ce n'était pas une guerre, mais un simulacre de guerre qu'on avait installé au Capitole pour détourner l'attention de la plèbe... Ils convoquent donc le peuple... et lui font déposer les armes.
En apprenant que les hommes déposaient les armes et abandonnaient leur poste, Publius Valerius laisse son collègue présider le Sénat, s'élance hors de la curie et vient au lieu consacré de l'assemblée trouver les tribuns : « Qu'est-ce que cela signifie, tribuns, dit-il ? Vous suivez les ordres et les auspices d'un Appius Herdonius pour faire une révolution ? Il a été assez heureux pour vous séduire, lui qui n'a pas été capable de soulever les esclaves. L'ennemi est sur nos têtes, et vous faites déposer les armes pour proposer des lois ? »
S'adressant alors à la foule : « Citoyens, si vous n'avez souci ni de Rome, ni de vous-mêmes, gardez du moins le respect de vos dieux prisonniers de l'ennemi. Jupiter très bon, très grand, Junon, reine du ciel, Minerve, les autres dieux et déesses sont assiégés : des esclaves tiennent dans leur camp les saints patrons de votre ville ; et voilà la politique qui vous semble raisonnable ? »
En terminant son discours, il déclare que lui-même prend les armes et qu'il appelle aux armes tous les citoyens et que si quelqu'un fait de l'opposition, alors il le traitera en ennemi. »

Tite-Live, Histoire romaine, liv. III, XV-XVII. (Traduction G. Baillet)


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Dernière mise à jour : dimanche 11 août 2013