LA FRONDE

L'ABSOLUTISME, LES PRÉTENTIONS DES PARLEMENTS ET L'INTERVENTION DU PEUPLE DE PARIS

Avant la fronde
Pendant la fronde
L'intervention du peuple de Paris

 Le Parlement de Paris est un corps chargé de fonctions judiciaires. Ses membres, issus de la bourgeoisie, ont acheté leurs charges ; ils constituent la noblesse de robe. [« Quelques autres se couchent roturiers et se lèvent nobles. » (La Bruyère, De quelques usages.) Il s'agit des conseillers du Parlement et de la cour des Aides qui obtiennent des lettres de noblesse après 20 ans d'exercice.]
 Depuis longtemps ils ont le droit de remontrances ; on leur a demandé de casser le testament de Louis XIII. Ils prétendent vouloir contrôler et surveiller la monarchie, usurper une part du pouvoir en se faisant passer pour les représentants de la nation. Prétentions non fondées, le Parlement n'étant qu'une caste privilégiée, et ne représentant que lui-même. Omer Talon est l'un des dirigeants de l'opposition à Mazarin avec Mathieu Molé et Broussel.


AVANT LA FRONDE

 Le 7 septembre 1645, dans un lit de justice, Omer Talon, avocat général, défend les prérogatives du Parlement contre l'absolutisme.

 « ... Sire, les rois, vos prédécesseurs, ont déposé entre les mains de leurs parlements non seulement l'exercice de la justice qu'ils doivent à leurs peuples, mais même l'enregistrement des édits et la connaissance des affaires publiques : c'est la loi de l'État, le lien et l'assurance de la royauté ; c'est une espèce de cachet, lequel imprime sur nous les marques de son autorité, sans toutefois nous communiquer sa substance. Ces ordres anciens ne sont pas des témoignages de faiblesse, mais des effets de prudence politique, qui réserve au souverain l'occasion de bien faire la distribution des grâces par lui-même et laisse, aux puissances inférieures la fonction nécessaire de la justice...

 Cependant, Sire, la fonction de tous ces messieurs qui sont assis et couverts, comme s'ils étaient appelés pour délibérer, se trouvera tantôt inutile parce que Votre Majesté ne les visite pas pour les consulter, comme ont fait autrefois vos prédécesseurs, mais plutôt pour blâmer leur sentiment et condamner leur conduite.

 Lorsque nous faisons entendre à Votre Majesté quelles sont les fonctions des compagnies souveraines et l'emploi des premiers officiers de justice, ce n'est pas pour y chercher notre avantage et nous en prévaloir (à Dieu ne plaise que la cognée s'élève contre le bras qui lui donne le mouvement !) mais pour conserver à Votre Majesté la bienveillance publique de ses peuples, les maintenir dans une obéissance non pas aveugle mais volontaire et claîrvoyante...

 Possédez, Sire, cet héritage de longues années. Craignez, Sire, d'être craint et que vos sujets, qui aiment leur prince, appréhendent pour lui, mais qu'ils ne l'appréhendent jamais... »

Omer Talon (1595-1652), Mémoires. Ed. Michaud et Poujoulat.

PENDANT LA FRONDE

  Profitant de l'impopularité de Mazarin, le Parlement veut imposer « les propositions de la chambre Saint-Louis », (déclaration des 27 articles, juin-juillet 1648).

 « I. - Les intendants de justice et toutes autres commissions extraordinaires non vérifiées, ès cours souveraines, seront révoqués, dès à présent...

 III. - Ne seront faites aucunes impositions et taxes qu'en vertu d'édits et de déclarations bien et dûment vérifiées ès cours souveraines, auxquelles la connaissance en appartient avec liberté de suffrage ; et l'exécution desdits édits sera réservée aux dites cours...

 VI. - Qu'aucun des sujets du roi, de quelque qualité et condition qu'il soit, ne pourra être tenu prisonnier passé vingt-quatre heures sans être interrogé suivant les ordonnances et rendu à son juge naturel, à peine d'en répondre par les geôliers, capitaines [qui commandent les garnisons de châteaux forts du roi] et tous autres qui les détiendront en leurs propres et privés noms ... [Cet article évoque le célèbre « Habeas corpus » d'Angleterre.]

 XIX. -Il ne pourra à l'avenir être fait aucune création d'office, tant de judicature que de finances, que par édits, vérifiés ès Cours souveraines, avec la liberté entière des suffrages... »

Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XVIII.

LA JOURNÉE DES BARRICADES (26 août 1648)

 Ce texte du cardinal de Retz montre fort bien l'une des causes de l'arrêt de la Fronde parlementaire: la peur de la bourgeoisie devant le mouvement populaire.

 [Le Parlement] « donna arrêt par lequel il fut ordonné que l'on irait en corps et en habit au Palais Royal redemander les prisonniers [c.a.d. les trois conseillers arrêtés dont Broussel].... L'arrêt fut exécuté à l'heure même : le Parlement sortit au nombre de cent soixante officiers. Il fut reçu et accompagné dans toutes les rues avec des acclamations et des applaudissements incroyables : toutes les barricades tombaient devant lui.

 Le Premier Président parla à la reine [cf. le texte suivant] avec toute la liberté que l'état des choses lui donnait. Il lui représenta au naturel le jeu que l'on avait fait en toutes occasions de la parole royale ; les illusions honteuses et mêmes puériles, par lesquelles on avait éludé mille et mille fois les résolutions les plus utiles et même les plus nécessaires à l'État, il exagéra avec force le péril où le public se trouvait par la prise tumultuaire et générale des armes...

(Mais les parlementaires se retirent sans avoir rien obtenu.)

 Le Parlement étant sorti du Palais-Royal, et ne disant rien au peuple de la liberté de Broussel, ne trouva d'abord qu'un morne silence au lieu des acclamations passées. Comme il fut à la barrière des Sergents, où était la première barricade, il y rencontra du murmure qu'il apaisa en assurant que la Reine lui avait promis satisfaction. Les menaces de la seconde furent éludées par le même moyen. La troisième ne voulut pas se payer de cette monnaie, et un garçon rôtisseur s'avançant avec deux cents hommes et mettant la hallebarde dans le ventre du Premier Président lui dit : « Tourne, traître : et, si tu ne veux pas être massacré toi-même, ramène-nous Broussel ou le Mazarin et le Chancelier en otage. » Vous ne doutez pas... ni de la confusion, ni de la terreur qui saisit presque tous les assistants ; cinq présidents à mortier et plus de vingt conseillers se jetèrent dans la foule pour s'échapper. L'unique Premier Président... demeura ferme et inébranlable. Il se donna le temps de rallier ce qu'il put de la Compagnie... et il revint au Palais-Royal au petit pas, sous le feu des injures, des menaces, des exécrations et des blasphèmes... »

La reine d'abord inflexible se laisse enfin convaincre par Mazarin de libérer les prisonniers.

 « L'on tira enfin à toute peine cette parole de la bouche de la Reine : « Hé bien! Messieurs, du Parlement, voyez donc ce qu'il est à propos de faire. » L'on s'assembla en même temps dans la grande galerie ; l'on délibéra et l'on donna arrêt par lequel la Reine serait remerciée de la liberté accordée aux prisonniers... Le Premier Président montra au peuple, les copies qu'il avait prises en forme... mais l'on ne voulut pas quitter les armes que l'effet ne s'en fût ensuivi. Le Parlement même ne donna point d'arrêt pour les faire poser qu'il, n'eût vu Broussel dans sa place. »

Cardinal de Retz, Mémoires. Ed. de la Pléiade, pp. 100-102.


Voici les paroles adressées à la reine par le Premier Président, Mathieu Molé, montrant que la monarchie était en péril :

 « Madame, il y va maintenant de tout et nous trahirions nos charges et nos devoirs si nous n'insistions pas pour obtenir ce que le peuple demande. Le danger est si public, qu'il ne peut être celé. La foule est en armes ; les barricades sont dressées par les rues... ce, n'est là qu'un commencement ; le mal peut croître à tel degré que l'autorité royale y périra. »

Cité par Lavisse, Histoire de France, t. VII (1), p. 29.


 
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